Pour Jonathan Simard, ingénieur logiciel et membre de la Cellule d’expertise en robotique et intelligence artificielle du Cégep de Trois-Rivières, le code QR que distribue le ministère de la Santé du Québec aux personnes qui ont été vaccinées contre la COVID-19 ne représente, pour l’instant, qu’une simple alternative à la version papier d’un carnet vaccinal.

Le débat qui émerge au Québec et dans le monde entier au sujet de ce fameux passeport immunitaire «c’est une problématique qui va être beaucoup plus éthique», estime-t-il, «qu’un problème de technologie ou de cybersécurité. Qu’est-ce qu’on va en faire?», se questionne-t-il? «Est-ce qu’ils vont l’exiger dans les épiceries ou ailleurs? Il y a un enjeu éthique», souligne-t-il.

Steve Waterhouse, spécialiste en cybersécurité, conférencier et chargé de cours à l’Université de Sherbrooke en sécurité de l’information, volet prévention, dit avoir des doutes sur le passeport immunitaire auquel réfléchit le gouvernement, notamment à cause des fuites de données qui se multiplient en ce moment.

On n’a qu’à penser aux cas de Desjardins, d’Equifax, de plusieurs banques, de la Place 0-5 et même de l’Agence du revenu du Canada.

Jonathan Simard précise qu’au moins, le code QR du vaccin COVID n’est pas envoyé directement par courriel aux personnes vaccinées. C’est plutôt via un lien sécurisé qu’on peut le télécharger. Le consentement de la personne est d’ailleurs demandé avant l’envoi. Mais déjà, des problèmes informatiques surgissent.

Cette preuve de vaccination, fournie en format PDF, donne en effet du fil à retordre, en ce moment, à certaines personnes qui se plaignent de ne pas arriver à la télécharger. «Ça dépend de quelle façon elles le font. Parfois, sur le cellulaire, certains ont de la difficulté avec ce format. «Il y a plein de raisons techniques», indique M. Simard. «Pour ceux qui ont été vaccinés avant une certaine date, ça peut prendre un certain temps avant que le téléchargement soit envoyé», dit-il.

Le petit-fils du code à barres

Pour mieux comprendre ce mystérieux petit carré rempli de traits incompréhensibles, Jonathan Simard explique que le code à barres est en quelque sorte le «grand-père» du code QR. Il permet de loger plus d’informations, et ce, en deux dimensions.

Le code QR fourni par le ministère comprend le nom de la personne vaccinée, son genre, sa date de naissance, la liste des vaccins qui lui ont été administrés incluant le nom de code du vaccin, son numéro de lot, le nombre de doses et la date de vaccination de même que le lieu où la personne a été vaccinée et la région.

Un code QR doit être protégé, car il peut être lu par «quelqu’un qui a un peu plus de connaissances informatiques. Il va être capable de le décoder», affirme Jonathan Simard.

Ce n’est pas énormément d’informations personnelles, «mais combien y a-t-il de vos pièces d’identité ou de morceaux de vos informations personnelles qui ont fui au cours des cinq dernières années?», questionne Steve Waterhouse. Lorsque ces données se retrouvent sur base de données Internet ou Darknet «c’est un morceau de plus au puzzle pour faire une identité complète de quelqu’un», prévient-il.

© FACEBOOK Steve Waterhouse, spécialiste en cybersécurité, conférencier et chargé de cours à l’Université de Sherbrooke en sécurité de l’information, volet prévention.

«La limite de ce qui peut être piraté, c’est ce que le code contient», précise toutefois Jonathan Simard. «Au niveau de la cybersécurité, le nom et la date de naissance de quelqu’un, c’est déjà de l’information qui est facile à obtenir. Il y en a qui les ont diffusés publiquement sur Facebook» ou même en adhérant à la carte de points d’un commerce, rappelle-t-il.

La BBC faisait état, il y a quelques mois, d’un marché noir de vaccins, de tests et de passeports immunitaires en Grand-Bretagne.

Selon Jonathan Simard, il n’est pas impossible qu’émerge aussi, au Québec, un marché noir de codes QR qui feraient croire que les gens ont été vaccinés contre la COVID-19.

«J’appelle ça une bébelle», estime Steve Waterhouse en comparant le passeport vaccinal à la fameuse application COVID Alerte. Selon de récentes statistiques, seulement 1,5 % des Québécois se servent en effet de cette application.

Steve Waterhouse voit lui aussi poindre certains enjeux éthiques. Il y a des pays où le code QR contient des codes de couleur permettant aux commerçants qui le liront, avant d’ouvrir leurs portes à leurs clients, d’estimer le degré de «danger» que représentent ces derniers. S’il affiche vert, ça veut dire que le client a eu ses deux doses et qu’il peut aller partout. S’il est orange ou rouge, il ne peut pas entrer.

Or, selon le comité d’éthique de l’Institut national de santé publique du Québec, «l’investissement de fonds publics pour mettre en place un tel système n’est pas banal, considérant aussi que l’utilisation des passeports immunitaires devrait sans doute être combinée à des mesures sanitaires qui persisteraient malgré tout durant la campagne de vaccination, comme le scénario israëlien le démontre.»

Si cet outil devait être utilisé, il devrait l’être de manière «complémentaire et temporaire, permettant un retour plus rapide à la vie normale en attendant l’atteinte de l’immunité collective», estime le comité d’éthique de l’INSPQ.

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